22 décembre 2015

Sieste

Sous le ciel aux ongles d'aigle
l'esprit s'arrête
la terre nue et torride
plante un couteau définitif dans la pensée
et nous
à ce niveau de cloche à plongeur
lestée de plomb
lestée du poids du monde et de tous les mondes
un siècle suffira-t-il à remonter à la surface
mais — corps aveugle —
dix siècles nettoieront-ils nos lampes ?
Un sommeil souterrain nous a changés en singes

Alain Jouffroy 

RIP...

12 décembre 2015

Pensées

Un arbre a besoin de deux choses : de substance sous terre et de beauté extérieure. Ce sont des créatures concrètes mais poussées par une force d'élégance. La beauté qui leur est nécessaire c'est du vent, de la lumière, des grillons, des fourmis et une visée d'étoiles vers lesquelles pointer la formule des branches.[...]
Un arbre est une alliance entre le proche et le lointain parfait.

Erri De Luca

01 novembre 2015

Le seul mot de liberté est tout ce qui m’exalte encore. 
Je le crois propre à entretenir indéfiniment le vieux fantasme humain.

André Breton, Manifeste du surréalisme

09 août 2015

L’escargot

Il passe comme un paquebot
dans l’herbe tremblante de pluie
quand les araignées essuient
leurs toiles car il fait beau

J’ai toujours aimé l’escargot
son pas frais luisant et sans bruit
sa navigation dans la nuit
le long des murs, vivant cargo

on en retrouve le sillage
le matin, brillant au soleil
Où va l’escargot, qui voyage

dans le noir cornes en éveil ?
En haut du fenouil, en équilibre
il médite sur les étoiles libres.

Jacques Roubaud

24 mai 2015

Je m'évade...

Je m’évade
Sous les coquilles rompues du soir
Avec mon sac d’étoiles dans ma poche,
Ma fronde à tuer les heures
Et mon sifflet de merisier,
En échange de quelques larmes
De quelques morsures sous le sein
- Que je comptai à ma jeunesse -
Une nuit vierge de sang.
Tout est là dans cette tendresse de feuilles

(René-Guy Cadou, Forges du vent, 1938)

09 mars 2015

Hélas ! toujours un homme, hélas ! toujours des larmes !
Toujours les pieds poudreux et la sueur au front !
Toujours d'affreux combats et de sanglantes armes ;
Le coeur a beau mentir, la blessure est au fond.
Hélas ! par tous pays, toujours la même vie :
Convoiter, regretter, prendre et tendre la main ;
Toujours mêmes acteurs et même comédie,
Et, quoi qu'ait inventé l'humaine hypocrisie,
Rien de vrai là-dessous que le squelette humain.
[la muse]

La nuit d'août
Alfred de Musset

14 janvier 2015