19 août 2009

Si je mets dix hommes sur une île déserte, la loi d'attraction va les rassembler en deux groupes, et la loi d'opposition leur inspirer des idées absolument contraires sur la façon d'organiser l'île. Si un groupe pense "nord", l'autre groupe, par réflexe immédiat, pensera "sud". Et ils commenceront à ramasser des cailloux pour se convaincre réciproquement en se les envoyant sur la figure. Si un des deux groupes se montre plus fort et absorbe l'autre, une force d'opposition va naître en lui, grandir et le couper de nouveau en deux ou en plusieurs morceaux. C'est la loi !
Ce n'est pas cela qui fait le malheur des hommes. Ils pourraient entre l'attraction et l'opposition, trouver un équilibre et vivre en paix, comme le soleil et les planètes. Ce qui les rend malheureux, c'est le bonheur. L'idée qu'ils s'en font, et de besoin de l'attraper. Ils s'imaginent qu'ils sont malheureux aujourd'hui, mais qu'ils pourront être heureux demain, s'ils adoptent certaine forme d'organisation. Chaque groupe a une idée d'organisation différente. Non seulement il se l'impose à lui-même, à grande souffrance, mais il cherche à l'imposer à l'autre groupe, qui n'en veut absolument pas, et qui essaie au contraire de lui faire avaler de force sa propre cuisine.
Et chaque individu croit qu'il sera heureux demain, s'il est plus riche, plus considéré, plus aimé, s'il change de partenaire sexuel, de voiture, de cravate ou de soutien-gorge. Chacun, chacune attend de l'avenir des conditions meilleures, qui lui permettront, enfin, d'atteindre le bonheur. Cette conviction, cette attente, ou le combat que l'homme mène pour un bonheur futur, l'empêchent d'être heureux aujourd'hui. Le bonheur de demain n'existe pas. Le bonheur, c'est tout de suite ou jamais. Ce n'est pas organiser, enrichir, dorer, capitonner la vie, mais savoir la goûter à tout instant. C'est la joie de vivre, quelles que soient l'organisation et les circonstances. C'est la joie de boire l'univers par tous ses sens, de goûter, sentir, entendre, le soleil et la pluie, le vent et le sang, l'air dans les poumons, le sein dans la main, l'outil dans le poing, dans l'oeil le ciel et la marguerite.
Si tu ne sais pas que tu es vivant, tout cela tourne autour de toi sans que tu y goûtes, la vie te traverse sans que tu retiennes rien des joies ininterrompues qu'elle t'offre.

René Barjavel

8 commentaires:

Anonyme a dit…

bonjour, je suis tombé par hasard sur votre article et il m'a beaucoup touché. Dans le sens où j'y vois une leçon de vie que je devrais adopter. Le dernier paragraphe ainsi que la conclusion sont des prémices de réponses à mes questions.
Merci, bonne journée
Melana

Anonyme a dit…

Hum, excellent ! C'est dans quel livre de Barjavel stp Cath ? Je crois bien que j'ai trouvé une nouvelle citation politique là... Bises, D

zazou a dit…

Mon auteur préféré ! J'en ai lu un paquet de Barjavel et il avait un regard très avant-gardiste et ses romans n'ont pas pris une ride. Top choix la petite grenouille.

Ymach a dit…

Ah, "si j'étais Dieu"... !

La p'tite Grenouille a dit…

@ Anonyme : le hasard fait bien les choses et si cet extrait a permis de vous "aiguiller" vers de nouvelles pistes de réflexion alors j'en suis ravie.

@ D : Ahhhhhhhhh !!! C'est dans "Si j'étais Dieu". Bises aussi.

@ Zazou : Mes préférés : La nuit des Temps et La Tempête.

@ Ymach : Ben si tu l'étais, on serait bien emm... ;-))

Cupidon a dit…

les p'tits bonheurs, les p'tits bonheurs font le sel de la vie. Merci de nous le rappeler ! En espérant que ton mois d'août en fut rempli malgré le taff.

La p'tite Grenouille a dit…

@ Cupidon : j'ai justement eu le petit bonheur de trouver une carte dans ma boîte cette semaine. Merci tout plein ;-)

le crapaud a dit…

en fait c'est notre gouvernement!!!!